La formation des ingénieurs a subi une mutation au cours des années 2000, se déplaçant de l’orientation traditionnelle axée sur l’ingénieur inventeur vers une nouvelle perspective privilégiant l’ingénieur entrepreneur. Cet article explore les implications de ce changement, examinant les aspects positifs et négatifs de cette évolution.
Le rôle traditionnel de l’ingénieur
Rappelons tout d’abord que la mission originelle de l’ingénieur est d’appliquer les sciences et les mathématiques pour concevoir, développer et gérer des systèmes et des processus. Leur champ d’action englobe la résolution de problèmes, la conception innovante, la gestion de projets, et la collaboration interdisciplinaire pour favoriser le progrès technologique. Les ingénieurs peuvent se spécialiser dans divers domaines, chacun offrant des perspectives uniques et des défis particuliers. Par exemple, les ingénieurs civils se concentrent sur la construction d’infrastructures telles que les ponts et les routes, tandis que les ingénieurs en informatique développent des logiciels et des systèmes informatiques avancés.
Les ingénieurs mécaniques travaillent sur la conception et la fabrication de machines, et les ingénieurs en énergies renouvelables se spécialisent dans le développement de solutions durables pour la production d’énergie. De plus, les ingénieurs biomédicaux appliquent les principes de l’ingénierie pour améliorer les soins de santé et créer des dispositifs médicaux innovants. Chaque spécialité contribue à façonner notre monde moderne et à répondre aux besoins complexes de notre société. L’ingéniosité et l’expertise des ingénieurs sont essentielles pour surmonter les défis techniques et environnementaux actuels, et leur rôle ne cesse de s’élargir avec les avancées technologiques et les nouvelles exigences globales.
La nouvelle orientation : ingénieur entrepreneur
L’idée sous-jacente à cette mutation était que, pour assurer le dynamisme futur du pays, un ingénieur devrait non seulement innover mais également entreprendre. Ainsi, la formation s’est élargie pour inclure des aspects administratifs tels que la gestion, la finance, et l’économie, en plus des compétences techniques traditionnelles. En intégrant ces disciplines, les écoles d’ingénieurs répondent aux besoins croissants du marché du travail et préparent les diplômés à des carrières diversifiées et plus complètes.
Par exemple, des institutions renommées comme l’École Polytechnique et l’INSA Lyon en France ont intégré des programmes de management et d’entrepreneuriat dans leurs cursus d’ingénierie. De même, l’École des Ponts ParisTech propose des cours de finance et de gestion de projet pour préparer ses étudiants à des rôles de leadership dans l’industrie. Ces initiatives visent à former des ingénieurs polyvalents, capables de naviguer dans des environnements complexes et de diriger des projets innovants dans un contexte globalisé.
Une erreur stratégique
Cependant, de mon point de vue, cette orientation est une erreur. Le vaste champ des sciences associé à la technologie nécessite une spécialisation approfondie pour favoriser l’innovation et l’invention. Se diluer dans des connaissances pragmatiques telles que la comptabilité et la gestion peut conduire à une perte de temps et nivellement du niveau d’expertise, compromettant ainsi la pertinence des innovations.
La mondialisation de la connaissance
Un argument important à considérer est l’évolution de l’accès à la connaissance. Contrairement aux débuts du 20e siècle, l’information est désormais accessible à l’échelle mondiale, tant en termes de quantité que de qualité. Chaque domaine de l’ingénierie pourrait potentiellement donner naissance à des leaders mondiaux, soulignant la nécessité d’une spécialisation poussée.
Ingénieur inventeur dans l’industrie automobile
Un exemple historique pertinent est celui de l’industrie automobile. Au début du 20e siècle, Ford est resté focalisé sur l’automobile, donnant naissance au fordisme grâce à la taylorisation. Dans les années 2000, chaque branche de l’ingénierie aurait pu produire des leaders mondiaux, à l’instar de Ford pour l’industrie automobile.
L’entreprenariat comme conséquence, pas source
Devenir entrepreneur devrait être la conséquence naturelle de l’inventivité d’un ingénieur, et non la source de sa formation. L’entreprenariat peut être exploré après avoir acquis une expertise approfondie. Des exemples tels que Larry Page, Sergueï Brin, Zuckerberg, Gates et Jobs montrent que l’ingénieur inventeur peut évoluer vers l’entrepreneuriat avec succès, faisant de l’innovation la véritable force motrice.
Il est essentiel de repenser l’approche actuelle de la formation des ingénieurs et de rééquilibrer la spécialisation technique et les compétences entrepreneuriales pour assurer une contribution maximale à l’avancement technologique et à la prospérité nationale.
En conclusion, “Plus je connais, plus j’aime” disait Léonard de Vinci, ainsi si vous aimez la technologie et la science, faites ce qui vous plaît. Ingénieur inventeur… C’est mieux qu’ingénieur entrepreneur. Préférez Géo Trouvetou aux Raptou. Voici un discours brillant de Pedro Correa sur le bonheur lors d’une remise de diplômes en 2019 à l’Ecole Polytechnique de Louvain.